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Interview

Caroline Le Biez (SK 2007), créatrice de Wenextgen et présidente du conseil familial SOFIA

11 mars 2019 Interview

Family business, Conseil Familial, Affectio,... Caroline revient sur ces concepts lors de la table-ronde du Club Entrepreneur SKEMA Alumni Lille réunissant C. Le Biez, G. Meauxsoone, DG Cafés MEO et J. Bils, PDG de Bils-Deroo, le 5 mars 2019 à Euratechnologies !


Caroline, quel a été votre parcours à SKEMA ? le fait d’avoir côtoyé l’univers de l’entreprise familiale assez tôt a-t-il influencé votre choix d’orientation et vos premiers postes ?

Lorsque j’ai entrepris mes études de droit, j’aspirais à devenir avocate et l’idée de travailler un jour dans l’entreprise familiale était pour moi au départ inenvisageable, en raison de la trop grande influence de l’entreprise sur la famille. Puis j’ai décidé d’intégrer le Master Spécialisé Gestion fiscale d’entreprise à SKEMA, convaincue que cette formation serait dans tous les cas, une véritable plus-value si j'étais amenée plus tard à exercer une fonction dans l’entreprise.
Ma première proposition de poste à la sortie des études fut d’intégrer le family office de la famille Mulliez. Et le fait que ce soit une entreprise familiale a fortement pesé dans la balance, puisque notre entreprise étant elle aussi dans le secteur de la distribution, ce modèle d’entreprise était une véritable référence.

 

Vous êtes administratrice du Groupe SOFIA (Société Financière de l’Atlantique) depuis 2012, Présidente du conseil familial depuis quelques jours, pouvez-vous nous en dire plus sur l’activité du Groupe ?

Notre groupe est implanté à Saint-Nazaire, bassin de forte activité industrielle en raison de la présence d’Airbus et des chantiers navals. Il a été fondé par mon grand-père qui, après une longue expérience de direction d’entreprises à l’étranger au sein de la CFAO (Compagnie Française Afrique de l’Ouest) décide de revenir en 1970 dans sa ville natale, Saint-Nazaire, où il rejoint la société Fers et Métaux de l’Ouest en tant que Directeur. Le 15 janvier 1971, il crée la société Atlantic Distribution, filiale de la société FMO, dont il devient le président du conseil d’Administration. Cette société a pour objet la distribution de fournitures industrielles (chauffage et robinetterie) et produits pétroliers, qui existe encore actuellement. Il ne joue plus aucun rôle actif depuis quelques années.

Le développement de l’entreprise s’effectue depuis 47 ans dans le commerce associé et la relation privilégiée qu’elle tisse avec les grandes enseignes leaders ou avec des partenaires privilégiés tels que Butagaz, Camping Gaz, Leroy Merlin, Jardiland et Georg Fischer. Elle est présidée par mon père Jean-François Le Biez et Philippe Lefauconnier, directeur général.

 

Vous vous êtes investie dans le groupe par le pilotage de l’Affectio, à quoi cela correspond-il ?

Il y a deux ans, nous avons constaté que la troisième génération n’avait été que trop peu associée aux prises de décisions, aux discussions concernant la stratégie patrimoniale et que certaines « branches » d’actionnaires se désintéressaient fortement de l’entreprise.
A partir de ce constat, nous nous sommes convaincus que nous devions réagir. De par mon expérience passée à l’AFM (Association Familiale Mulliez), j’avais eu la preuve qu’il était possible de fédérer des actionnaires autour d’un projet commun, en animant cette communauté et en leur démontrant l’intérêt qu’ils ont à rester ensemble.
Nous avons donc mis sur pied dans un premier temps, une Charte familiale, puis commencé à organiser des évènements familiaux en résonnance avec l’entreprise pour recréer du lien entre les membres de la famille. La dernière étape que nous sommes en train de franchir, à l’heure où je vous parle, est la création d’une association familiale et d’un conseil de famille, chargé de piloter la stratégie de la famille. Ce pilotage s’appelle "Affectio" en référence à "l’affectio societatis", qui désigne la volonté commune unissant plusieurs personnes physiques ou morales de s'associer pour fonder une société et en partager les bénéfices et les pertes.

Nous savons que fédérer des actionnaires qui se sont éloignés nous prendra quelques années, mais nous sommes convaincus que c’est une des clés de pérennité de notre entreprise familiale. 

 
Vous avez créé WENEXTGEN en 2018 pour conseiller les entrepreneurs familiaux, pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai créé les podcasts WENEXTGEN en partant du constat, que nombreux sont les « nextgen » dans les entreprises familiales à se poser des questions sur leur place, leur rôle, leur légitimité.  Ces questions, je me les suis posées et j’ai difficilement trouvé des réponses adaptées.
A la fin de l’année 2018, j’ai donc commencé à interviewer des nouvelles générations d’entrepreneurs familiaux, afin qu’ils viennent témoigner de leur histoire et de la place qu’ils occupent dans cette sphère. L’objectif est simple : écouter des retours d’expériences d’entrepreneurs familiaux pour se sentir moins seul, s’identifier, mieux communiquer et apprivoiser ses craintes.

En parallèle, je travaille sur un second projet (magouvernance.com - site en construction), qui consiste à connecter les administrateurs indépendants et les entreprises via une plateforme digitale pour créer des boards stratégiques/organes de gouvernance à forte valeur ajoutée et ré-oxygénés par l’apport de compétence actuelles. C’est un sujet qui concerne toutes les entreprises, au rang desquelles figurent les entreprises familiales. Nombreuses sont celles qui rencontrent la problématique de la compétence au sein de leurs organes de gouvernance et doivent dès à présent s’entourer d’administrateurs indépendants et d’experts capables d’accompagner le dirigeant sur les enjeux futurs de l’entreprise.


Quels sont les principaux problèmes rencontrés par ces entrepreneurs, quelles solutions ont été approuvées ?

A l’heure actuelle, les deux témoignages qui ont été publiés en podcasts sur Wenextgen (Céline Eloumou Zoa, des Transports Mousset, et Jessy Bachir des Glaces Bachir) sont très positifs. Ils incitent les actionnaires familiaux à prendre en main leur gouvernance, pour ne pas laisser d’autres personnes décider à leur place et montrent que lorsque la famille unit ses forces et que les membres d’une même famille s’élèvent les uns vers les autres, c’est l’entreprise qui ressort gagnante.

 

Quels conseils souhaitez-vous partager aux étudiants et diplômés entrepreneurs, et à ceux qui envisagent de prendre le relais de la génération précédente ?

Je ne sais pas si je suis bien placée pour donner des conseils. Une chose est sûre, pour prendre le relais d’une génération, il faut que celle qui précède accepte de passer le flambeau. C’est un acte difficile car il demande de l’abnégation et de la confiance envers la génération suivante.
Mais on peut s’y préparer de plusieurs manières : 

-        Avant d’envisager de rentrer dans l’entreprise, il est indispensable à notre époque, d’aller se confronter au monde du travail par une expérience en dehors de l’entreprise familiale. Cette expérience permettra d’acquérir les codes de l’entreprise, de se structurer, de s’ouvrir l’esprit et d’acquérir de la crédibilité ;

-        La compétence doit être le premier critère pour occuper un poste, c’est un gage de sérénité pour tous ;

-        S’intéresser à ce que fait l’entreprise, poser des questions, demander un « strapontin » dans les organes de gouvernance dans un premier temps, tout simplement pour être en écoute active et comprendre le fonctionnement d’un conseil.

-        Prendre sa place d’actionnaire en se rendant aux Assemblées Générales. Pour cela il est important que les générations précédentes pensent à transférer une petite partie de leurs actions a minima en nue-propriété. De même qu’une petite part d’actions en pleine propriété, car cela permet de mettre l’actionnaire très rapidement en « conscience » d’un patrimoine entrepreneurial. Cela n’engage que moi, mais j’ai tendance à croire que le versement d’un dividende, même minime, peut donner un « moteur » supplémentaire aux jeunes générations. L’objectif n’est pas d’instituer un système de rentes pour la nouvelle génération, mais simplement de la sensibiliser au fonctionnement patrimonial et de l’intérêt qu’il a, à la préserver et le faire perdurer.

 

Comment motiver, ou du moins faire connaitre l’entreprise à la nouvelle génération ?

Il faut être créatif dans ce domaine pour sortir du format unique de « présentation » annuelle des chiffres. Il existe plusieurs manières de susciter l’intérêt des nouvelles générations, en lui faisant visiter les « sites » de l’entreprise sous un angle qui lui plait, en organisant des rencontres avec des opérationnels, en la laissant organiser des évènements familiaux en lien avec l’entreprise. Certaines entreprises délèguent même à la génération suivante la responsabilité d’écrire la Charte familiale, d’autres permettent de créer une entreprise dans l’entreprise sous format « intrapreneurial » ou instituent un système d’accompagnement à la création d’entreprise.

Prochaine rencontre du Club Entrepreneur Lille : mardi 4 juin autour d'une session de pitchs ! contactez Audrey si vous souhaitez présenter votre activité !


 Caroline Le Biez, fondatrice de WENEXTGEN

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